L’essentiel
Les dernières semaines de l’année 2024 ont été riches en jurisprudence pour la Chambre commerciale. D’abord, en droit des entreprises en difficulté. La Chambre commerciale a précisé que le débiteur en conciliation n’a pas à respecter le délai de 45 jours pour déposer le bilan (I.1) et, concernant le délai de forclusion de l’article R. 624-5 du code de commerce, qu’il ne courait, en cas d’appel, qu’à compter de la notification de l’arrêt (I.2.1). L’office du juge-commissaire en matière de vérification de créances a été renforcé (I.2.2). Le jeu de l’exception d’inexécution a été précisé (I.3.3), de même que le régime de l’action en revendication (I.4.1 et I.4.2). Les Hauts magistrats ont, enfin, rappelé le cadre restrictif des sanctions pouvant frapper le dirigeant (I.5.1 et I.5.2). Ils ont par ailleurs procédé à quelques rappels utiles en droit bancaire, notamment sur l’étendue de la preuve qui pèse sur les banques, en matière de fraude aux instruments de paiement, quand elles entendent en faire supporter les conséquences financières à l’utilisateur (II.1). En droit des sociétés, deux arrêts intéressants relatifs aux obligations de l’associé retrayant ont été rendus (III.2.1 et III.2.2). La Cour de cassation a également précisé qui, de la société ou du gérant, était engagé par aval, sur la foi de la signature apposée sur un billet à ordre (III.3). Enfin, un arrêt a admis le cumul de responsabilités du gérant, dans l’hypothèse de fautes de gestion commises dans le cadre d’une convention réglementée (III.4). Quelques contrats particuliers ont donné lieu à une jurisprudence récente. Ainsi, en location financière annulée, le loueur a droit, dans le cadre des restitutions dues, à une indemnité d’occupation (IV.1). Par ailleurs, la Chambre commerciale a apporté des précisions sur le régime du référé précontractuel, exercé dans le cadre d’une commande publique (IV.4.1 et IV.4.2).
I – Entreprises en difficulté
1 – Conciliation et date de dépôt de bilan : le délai de 45 jours ne s’applique pas
Com. 20 novembre 2024, pourvoi n° 23-12.297, FS-B
Le gérant d’une société soumise à une procédure de conciliation est-il tenu par le délai de 45 jours pour déclarer la cessation des paiements ? C’est à cette importante question que répond l’arrêt. Pour la chambre commerciale, si le délai de 45 jours expire pendant la procédure de conciliation, le débiteur est dispensé de son obligation de déclaration dans le délai légal. En revanche, il doit déclarer son état de cessation des paiements « sans délai », dès que la procédure de conciliation prend fin sans solution. Une décision qui va dans le sens de la faveur marquée par le législateur pour les mesures de prévention des difficultés des entreprises qui risqueraient d’être privées d’effet, si le débiteur avait l’obligation de déposer le bilan en cours de conciliation. Sans compter qu’il serait exposé, en passant outre, à une interdiction de gérer, ainsi qu’à une action en comblement d’une insuffisance d’actif.
2.1 – Vérification des créances : computation du délai de forclusion
Com. 23 octobre 2024, pourvoi n° 23-17.962 FR-B
Cet arrêt apporte une précision importante sur une question curieusement inédite : lorsqu’une contestation de créance sérieuse excède la compétence du juge commissaire, l’article R. 624-5 du code de commerce ouvre un délai d’un mois aux parties nécessaires à l’instance (créancier, débiteur et mandataire judiciaire) pour saisir le juge compétent. Ce délai court depuis le jour de réception de la notification de l’ordonnance ayant retenu l’incompétence ou le défaut de pouvoir du juge commissaire, sauf en cas d’appel : l’arrêt se substitue à l’ordonnance attaquée et la notification de celui-ci fait courir un nouveau délai d’un mois. Un arrêt qui ravira les professionnels et se situe dans la ligne de la jurisprudence qui offre déjà des possibilités de régularisation de l’instance, lorsqu’une partie nécessaire n’y a pas été appelée. Il est aussi conforme à la lettre du texte qui prévoit le délai d’un mois à peine de forclusion, « sauf en cas d’appel ».
2.2 – Vérification des créances : incompétence du juge-commissaire en présence d’une clause attributive de juridiction
Com. 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-16.532, FR-B
Le juge commissaire doit-il vérifier le sérieux d’une contestation rattachable à une clause attributive de juridiction ? Non, répond la Cour de cassation qui pose que ce juge doit se déclarer incompétent, à moins que la clause attributive de juridiction ne soit manifestement nulle ou inapplicable. L’arrêt apporte d’autres précisions sur l’office du juge-commissaire : si la contestation est limitée à une partie de la créance, l’autre doit être admise sans attendre par le juge-commissaire. Enfin, celui-ci n’est pas dessaisi, comme il avait pu être auparavant jugé, de la partie contestée de la créance : il reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l’admettant ou en la rejetant.
3.1 – Contribution de l’employeur au contrat de sécurisation professionnelle : la créance correspondante n’est pas superprivilégiée
Com. 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-10.708, FR-B
Un revers pour Pôle Emploi qui avait déclaré une créance au titre de la contribution de l’employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), en se prévalant du superprivilège. La réponse de la chambre commerciale est sans appel : cette contribution ne constitue pas une créance de salaire, due au salarié, citée à l’article L. 3253-3 du code du travail, qui fixe l’assiette du super privilège édicté à l’article L. 3253-2 du même code ; il ne s’agit donc pas d’une créance superprivilégiée, mais simplement privilégiée.
3.2 – L’information donnée par le débiteur au mandataire quant à l’existence d’une créance ne fait pas présumer sa renonciation à se prévaloir de la prescription
Com. 11 décembre 2023, pourvoi n° 23-13.300, FR-B
Le principe est bien connu : la renonciation à une prescription acquise doit être non équivoque, même si elle peut être tacite. La chambre commerciale applique cette règle en faveur du débiteur en procédure collective : la remise par le débiteur au mandataire judiciaire, de la liste de ses créanciers, comme l’article L. 622-6 du code de commerce lui en fait obligation, si elle fait présumer les déclarations de créances par leurs titulaires, dans la limite du contenu de l’information donnée, ne permet pas de présumer la renonciation du débiteur à se prévaloir de l’acquisition de la prescription à son profit.
3.3 – L’exception d’inexécution peut être invoquée par le défendeur à une action en paiement intentée par le liquidateur, sans qu’il ait à justifier d’une déclaration de créance
Com. 20 novembre 2024, pourvoi n° 23-19.552, FR-B
Un liquidateur avait réclamé paiement, auprès d’une entreprise cliente, d’une créance de travaux, alors même que le procès-verbal de réception formalisé entre les parties les mentionnait comme inexécutés. Il pensait obtenir paiement, simplement parce que l’entreprise cliente n’avait pas déclaré de créance du chef de cette inexécution. La Cour de cassation rappelle que cette déclaration de créance n’était pas nécessaire au jeu de l’exception d’inexécution. La solution doit être approuvée : le mécanisme de l’exception d’inexécution repose, non pas sur une créance, mais sur l’inexécution de l’obligation qui lui sert de base. Il s’agit donc d’un moyen de défense permettant de sanctionner le créancier de l’obligation inexécutée sans lui réclamer paiement. Donc, logiquement, dès lors qu’aucune créance n’est réclamée, elle n’a pas à être déclarée.
4.1 – Clause de réserve de propriété : pas de revendication si le prix des biens est payé
Com. 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-13.554, F-B
La Cour de cassation rappelle que l’article L. 624-16, alinéa 4 du code de commerce n’a ni pour objet ni pour effet de dispenser le propriétaire de biens vendus avec réserve de propriété de faire reconnaître son droit dans les conditions prévues aux articles L. 624-9 et L. 624-17 du même code (réglant l’action en revendication), mais permet à l’administrateur de ne pas restituer ces biens en payant leur prix, sur autorisation du juge-commissaire. Le juge-commissaire n’avait donc pas à se prononcer sur l’opposabilité de ces clauses mais devait uniquement rechercher si le paiement des fournisseurs se justifiait par la poursuite de l’activité.
4.2 – Action en revendication : le seul silence du mandataire judiciaire ne vaut pas acquiescement
Com. 23 octobre 2024, pourvoi n° 23-18.095, FR-B
Une solution sévère, mais conforme à l’intérêt collectif des créanciers. Dans les procédures sans administrateur judiciaire, le débiteur ne peut acquiescer seul à une demande de revendication ; le mandataire judiciaire doit intervenir à la procédure pour accéder à la demande du créancier. En conséquence, l’accord donné par le débiteur seul est inopérant, de même que le silence gardé par le mandataire à réception de la copie de la demande de revendication du bien ou son absence d’opposition à l’acquiescement donné par le débiteur.
5.1 – Insuffisance d’actif : assiette
Com. 23 octobre 2024, pourvoi n° 23-15.365, FS-B
Cet arrêt procède à un rappel bienvenu des sommes devant être prises en compte pour la détermination de l’insuffisance d’actif à mettre à la charge d’un dirigeant à titre de sanction : seules les dettes nées avant le jugement d’ouverture doivent être décomptées, sans intégration des frais de réalisation de l’actif qui sont nécessairement postérieurs au jugement d’ouverture. Cette limitation des sommes pouvant être mises à la charge du débiteur doit être approuvée, l’article L.651-2 du code de commerce instaurant une sanction, laquelle doit ainsi être strictement entendue.
5.2 – Insuffisance d’actif : faute de gestion du dirigeant
Com. 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-19.807, FR-B
Un arrêt qui rappelle que le dirigeant ne peut être condamné à supporter une partie de l’insuffisance d’actif d’une société en procédure collective, qu’à la condition qu’une faute de gestion soit caractérisée à sa charge. Tel n’était pas le cas en l’espèce : la poursuite d’une activité déficitaire ne pouvait résulter du simple constat d’une augmentation des dettes de la société, quand même il s’agirait d’un passif social et fiscal. La chambre commerciale a également relevé d’office un moyen résultant des articles L. 653-4, L. 653-5, L. 653-6 et L. 653-8 du code de commerce selon lesquels l’interdiction de gérer ne peut être prononcée contre le dirigeant d’une personne morale que pour sanctionner les fautes prévues par ces textes. Cassation : la poursuite abusive d’une activité déficitaire n’est sanctionnée que lorsqu’elle est effectuée dans un intérêt personnel et que l’exploitation déficitaire ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale. Là encore, cet arrêt ne peut qu’être approuvé qui cantonne strictement les sanctions pouvant être prononcées contre le dirigeant à ce que la loi a prévu.
II – Droit bancaire
1 – Fraude aux instruments de paiement : rappel de l’étendue de la preuve que doit faire la banque qui entend faire supporter les pertes financières à l’utilisateur
Com. 20 novembre 2024, pourvoi n° 23-15.099, FR-B
On le sait, en cas de fraude à la carte bancaire ou à tout autre instrument de paiement, l’établissement de crédit qui entend faire supporter à son client les pertes occasionnées par une telle fraude, doit établir un manquement intentionnel ou une négligence grave de sa part. Mais l’arrêt rappelle que cette preuve ne suffit pas : en amont de la faute de l’utilisateur des instruments de paiement, la banque doit faire la preuve que les opérations frauduleuses ont été authentifiées, enregistrées et comptabilisées et qu’elles n’ont pas été affectées par une défaillance technique « ou autre ». Une jurisprudence très protectrice de l’utilisateur qui n’est cependant pas nouvelle (Com. 12 nov. 2020, n° 19-12.112), mais doit être approuvée, à l’heure où les fraudes à la carte bancaire se multiplient.
2 – Devoir de mise en garde : pas sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée
Com. 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-15.744, FR-B
La solution n’est pas nouvelle mais son rappel est utile : l’établissement de crédit est tenu d’une obligation de mise en garde de l’emprunteur non averti, laquelle porte, non pas sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée, mais seulement sur l’inadéquation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et le risque d’endettement excessif qui en résulte pour lui. Une solution logique, car apprécier la faisabilité de l’opération financée ferait peser une charge excessive sur le banquier dispensateur de crédit, lequel n’a d’ailleurs pas le droit de s’immiscer dans les affaires de ses clients.
3 – Cautionnement : encore la prescription
Com. 18 décembre 2024, pourvoi n° 22-13.721, FS-B
La chambre commerciale précise que le point de départ de la prescription de l’action quinquennale en responsabilité dirigée contre une banque dispensatrice de crédit, actionnée soit sur le fondement de la disproportion de la garantie ou sur un manquement au devoir de mise en garde, court à compter du jour où la caution a su que la garantie souscrite allait être mobilisée, soit depuis la mise en demeure qui lui a été adressée par l’établissement de crédit. Cette décision a le mérite de fixer clairement le point de départ de la prescription quinquennale.
III – Droit des sociétés
1 – Fixation du prix de parts sociales : office du juge quand une expertise a été ordonnée
Com. 27 novembre 2024, pourvoi n° 23-17.536, FR-B
La fixation du prix des parts sociales : une question toujours épineuse, nécessitant souvent le recours au juge et à un expert. L’arrêt pose qu’il résulte de la combinaison des articles 873 du code de procédure civile et de l’article 1843-4 du code civil que, dans l’hypothèse où les statuts de la société ou toute convention spéciale ne fixent pas de règles de valorisation des droits sociaux, mais en précisent seulement les modalités, une partie peut se voir enjoindre, en référé, sur le fondement du trouble manifestement illicite, de communiquer toute pièce nécessaire à l’accomplissement de la mission de l’expert. Cet arrêt introduit une distinction assez obscure entre règles de valorisation et modalités de celles-ci. Il admet enfin que le juge ne serait pas lié par la valorisation opérée par l’expert ; il pourrait décider que cette évaluation est sans objet ou dénuée de portée. Où se situe alors le trouble « manifestement » illicite découlant du refus de communiquer des pièces ? En définitive, cet arrêt pose plus de questions qu’il n’en résout.
2.1 – Associé retrayant d’une société à capital variable : fin de ses obligations dès le jour de son retrait
Com. 18 décembre 2024, pourvoi n° 23-10.695, FR-B
L’on sait que, concernant les sociétés civiles (et singulièrement les SCP, quand des dispositions réglementaires spéciales n’ont pas été édictées), l’associé retrayant conserve sa qualité (et les obligations qui vont avec) jusqu’au jour du remboursement de ses droits sociaux, ce qui peut donner lieu à des situations ubuesques en cas de mésentente entre associés. Rien de tel pour une société commerciale : l’associé d’une société à capital variable (une SARL en l’espèce) n’est plus tenu par ses obligations découlant de sa qualité d’associé, du jour de son retrait, peu important la question du remboursement de ses apports. Les Hauts magistrats posent cependant un bémol résultant de la nature particulière de la société à capital variable : si le retrait a pour effet de porter le capital en-dessous de son minimum statutaire, l’associé retrayant ne pourra reprendre ses apports que du jour où ce minimum sera à nouveau atteint sans ses parts.
2.2 – Limite d’âge atteinte pour un notaire : obligation pour lui de se retirer en obtenant le remboursement de ses parts
Com. 18 décembre 2024, pourvoi n° 23-14.518, FS-B
Un arrêt intéressant : le notaire, membre d’une SCP, qui a atteint la limite d’âge d’exercice de la profession, doit se retirer et a naturellement droit au remboursement de ses parts. A défaut d’accord amiable sur le prix de cession, l’article 28 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour la profession de notaire, permet la saisine du juge aux fins de désignation d’un expert, sur le fondement du droit commun, soit de l’article 1843-4 du code civil.
3 – Souscription d’un aval : dans l’hypothèse de double signature, seule la société est engagée et non le gérant qui a signé pour elle
Com. 23 octobre 2024, pourvoi n° 22-22.215, FS-B
Un arrêt qui limite heureusement les engagements pris par le gérant d’une société, en matière de souscription d’aval. En l’espèce, le gérant avait signé deux fois : une fois sur le cachet de la société en tant que souscripteur du billet à ordre et une autre fois dans la partie concernant l’aval. Les juges en ont déduit, approuvés en cela par la chambre commerciale, qu’il ne s’était pas engagé personnellement. La solution est logique : la simple signature au recto du billet à ordre n’engage son auteur comme avaliste que s’il n’est pas aussi le souscripteur de l’aval (article 511-21, alinéa 5 et L. 512-4 du code de commerce). Dans l’hypothèse de double signature, le doute est donc permis et les juges du fond doivent vérifier les mentions qui accompagnent la signature de l’aval pour vérifier si le gérant a avalisé le billet en son nom personnel ou non. Dans notre affaire, les deux signatures avaient été apposées par le gérant sur le cachet de la société, ce qui caractérisait l’engagement de celle-ci.
4 – Gérant de société : responsabilité cumulative pour méconnaissance des règles gouvernant les conventions réglementées et pour fautes de gestion
Com. 18 décembre 2024, pourvoi n° 22-21.487, FR-B
Cet arrêt pose que la possibilité de mettre à la charge du gérant les conséquences préjudiciables à la société des conventions réglementées non approuvées n’est pas exclusive de la mise en jeu de sa responsabilité pour faute de gestion, peu important que ces conventions aient ou non été approuvées. En pratique, la responsabilité du gérant d’une société peut donc être engagée sur deux fondements distincts : d’abord, sur celui de l’article L. 223-19 du code de commerce, concernant les conséquences préjudiciables des conventions réglementées non-approuvées que le gérant a conclues ; ensuite, sur le fondement de l’article L. 223-22 du même code : le gérant peut être tenu responsable de toute faute de gestion qui a causé un préjudice à la société, ce qui englobe la conclusion d’une convention, même approuvée, signée dans des conditions anormales. Ainsi, la responsabilité du gérant peut être mise en jeu indépendamment d’une violation des règles relatives aux conventions réglementées, sur le seul fondement de la faute de gestion qu’il a commise.
IV – De quelques contrats particuliers
1 – Encore la location financière ! Régime des restitutions
Com. 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-10.028, FR-B
Un arrêt qui ravira les loueurs touchés par la caducité et l’interdépendance des contrats en matière de location financière. Il donne en effet la possibilité au bailleur, dans l’hypothèse d’annulation du contrat de louage et des bons de commande, de percevoir une indemnité d’occupation du preneur en contrepartie de la jouissance du bien loué, sans que les juges du fond puissent refuser d’en fixer le montant, au prétexte d’une insuffisance de preuves. A dire vrai, la solution ne surprendra pas, car l’article 1352-3 nouveau du code civil inclut désormais dans les restitutions consécutives à une annulation la valeur de jouissance du bien.
2 – Responsabilité du conseil en opération de défiscalisation appliquée au photovoltaïque
Com. 20 novembre 2024, pourvoi n° 23-14.351, FS-B
Selon cet arrêt, le monteur d’une opération de défiscalisation impliquant un investissement en photovoltaïque, engage sa responsabilité envers son client, si celui-ci n’a pas obtenu l’avantage fiscal escompté. S’agissant d’un investissement consistant en l’acquisition, l’installation ou l’exploitation d’équipements de production d’énergie renouvelable, telles les centrales photovoltaïques, une demande de raccordement au réseau aurait dû être présentée pour que l’exploitation soit possible. Le conseil en gestion de patrimoine s’étant abstenu de le faire, sa responsabilité était engagée, dès lors que les conditions nécessaires à la réduction d’impôt escomptée, prévisibles à la date de l’investissement, n’étaient pas remplies. Une décision qui se situe dans la ligne de celles relatives à la responsabilité du conseil en opération de défiscalisation.
3 – Cession de créance et droit de retrait litigieux
Com. 20 novembre 2024, pourvoi n° 23-15.735, FR-B
Cet arrêt rappelle les conditions d’exercice du droit de retrait litigieux : il faut que les droits en cause soient encore litigieux à cette date. Il en résulte que la faculté de retrait ne peut être opposée au créancier dans le subsidiaire des conclusions du débiteur cédé. Une solution parfaitement logique : si le débiteur cédé forme sa demande de retrait subsidiairement, soit dans l’hypothèse d’échec de sa défense principale dans le procès qui l’oppose au cessionnaire de la créance, cette demande n’est examinée qu’après le rejet de sa défense principale, soit à un moment où le droit du créancier n’est plus litigieux.
4.1 – Commande publique et référé précontractuel : offre anormalement basse et office du juge
Com. 14 novembre 2014, pourvoi n° 23-17.609, FR-B
Cet arrêt rappelle qu’il incombe seulement au juge du référé précontractuel saisi d’une contestation du rejet d’une offre anormalement basse de vérifier si, en rejetant cette offre, l’acheteur a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation à partir, notamment, des explications données par la société évincée. Il en résulte que cette dernière ne peut, pour justifier le montant de son offre, présenter au juge des éléments qu’elle n’avait pas adressés à l’acheteur lorsqu’il lui avait demandé des explications. Un arrêt utile qui précise l’étendue du contrôle opéré par le juge du référé précontractuel saisi par un candidat évincé pour cause d’offre anormalement basse.
4.2 – Commande publique : passerelle entre référés précontractuel et contractuel
Com. 14 novembre 2024, pourvoi n° 23-15.781, FR-B
Pour la chambre commerciale, la conclusion d’un contrat privé de commande publique pendant la période de suspension liée à l’introduction d’un référé précontractuel ouvre au candidat évincé requérant la possibilité de modifier ses demandes et de conclure à l’annulation de ce contrat sur le fondement des dispositions applicables au référé contractuel. Cet arrêt admet donc une passerelle entre référé précontractuel et référé contractuel. Une telle possibilité est parfaitement justifiée, dès lors que le contrat de commande publique a été conclu, au mépris de la période de suspension découlant du référé précontractuel.