Le 18 janvier 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt important en matière de résolution judiciaire du contrat pour inexécution (Com. 18 janvier 2023, n° 21‑16.812)

Dès lors qu’une partie n’a pas exécuté sa prestation, la résolution du contrat est encourue et la restitution de la contrepartie s’impose, même si le débiteur a été empêché par la crise sanitaire de remplir ses obligations.

Traditionnellement, la résolution judiciaire d’un contrat sanctionnait l’inexécution fautive d’une certaine gravité, imputable à l’une des parties. Tel n’est clairement plus le cas sous l’empire des textes nouveaux.

L’espèce est banale en contexte de crise sanitaire. En février 2020, un établissement d’hôtellerie‑restauration conclut avec un traiteur, un contrat de prestations de restauration à servir pendant le déroulement d’un salon professionnel qui devait se tenir en mars 2021. Un acompte assez important est réglé par l’hôtel. Le salon est annulé en raison du contexte sanitaire. En juin 2021, l’établissement hôtelier met le traiteur en demeure de lui restituer l’acompte versé. Le traiteur refuse, faute de résolution du contrat. L’hôtel assigne le traiteur en paiement et, en appel, il est débouté de ses demandes.

La cour d’appel retient que même si l’inexécution de la prestation de traiteur est totale, elle n’est pas fautive (c’est le salon qui a annulé l’évènement en raison du Covid‑19), de sorte que la résolution ne peut être prononcée et l’acompte restitué à l’hôtel. Celui-ci se pourvoit en cassation.

La cassation est prononcée par la chambre commerciale, au triple visa des articles 1217, 1227 et 1229 du code civil au motif que :

« la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, peut provoquer la résolution du contrat. La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice et met fin au contrat. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procurées l’une à l’autre ».

Ainsi, la résolution du contrat peut être prononcée, dès lors qu’une partie n’a pas, de manière suffisamment grave, exécuté son obligation, peu important qu’aucun manquement ne puisse lui être reproché. La résolution est ainsi désormais clairement détachée de la faute et peut être prononcée, toutes les fois qu’une partie n’a pas exécuté son obligation et les restitutions consécutives s’ensuivront.

Quels conseils donc à donner aux praticiens ?

Dans l’hypothèse d’inexécution suffisamment grave d’une obligation, l’arme de la résolution est le plus sûr moyen de parvenir aux restitutions consécutives à son prononcé, puisqu’elle est désormais clairement détachée de tout contexte fautif. C’est d’ailleurs la seule voie qui s’offre au créancier de l’obligation inexécutée, sauf pour lui à réintroduire la faute du débiteur s’il entend obtenir une indemnisation en sus de la restitution escomptée de la résolution.

Du côté du débiteur, le jeu de la force majeure peut être invoqué en contexte de crise sanitaire – même si l’on connaît les réticences de la jurisprudence à l’admettre – ce qui lui permettra d’échapper à ses obligations sans devoir indemniser le créancier, mais sans doute pas de conserver l’acompte qui aurait pu lui être versé.

Arrêt de la Cour de cassation – Chambre commerciale – Publication au Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation

Pourvoi n° G 21-16.812

Arrêt n° 40 F-B

(…)

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Exposé du litige

Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 mars 2021), et les productions, le 13 février 2020, la société S, exploitant un établissement d’hôtellerie-restauration à C. …, a signé avec la société P un contrat par lequel celle-ci s’engageait à fournir diverses prestations de restauration durant la période du salon MIPIM, salon international des professionnels de l’immobilier, du 9 au 13 mars 2020. Le salon MIPIM a été reporté au mois de juin puis, le 26 mars 2020, annulé à la suite des mesures sanitaires prévues par la loi du 23 mars 2020 et de ses arrêtés d’application. Le 12 juin 2020, la société S a mis en demeure la société P de restituer l’acompte versé au titre du contrat. Soutenant que le contrat n’était pas résilié, la société P a refusé cette restitution. La société S l’a assignée en restitution.

Moyens

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

  1. La société S fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir prononcer la résolution du contrat de prestations de services conclu avec la société P le 7 janvier 2020 et, en conséquence, de sa demande tendant à voir condamner cette dernière à lui restituer la somme de 150 000 euros versée à titre d’acompte, alors « que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut provoquer la résolution du contrat, même si cette inexécution n’est pas fautive et quel que soit le motif qui a empêché son cocontractant de remplir ses engagements, notamment si cet empêchement est résulté du fait d’un tiers ou de la force majeure ; qu’en décidant néanmoins que la société S n’était pas fondée à voir prononcer la résolution du contrat conclu avec la société P et à se voir restituer l’acompte versé, dès lors que l’inexécution par cette dernière de son obligation avait été causée par un élément extérieur, à savoir l’annulation du salon MIPIM par un tiers, bien que cette circonstance n’ait pas été de nature à faire obstacle à la résolution du contrat, la cour d’appel a violé les articles 1217, 1227 et 1229 du code civil. »

Motivation

Réponse de la Cour

Vu les articles 1217, 1227 et 1229 du code civil :

  1. Selon ces textes, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, peut provoquer la résolution du contrat. La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice et met fin au contrat. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre.
  2. Pour rejeter les demandes de résolution du contrat et de restitution de l’acompte, après avoir rappelé que l’article 8 du contrat prévoyait une retenue de 100 % du prix des prestations commandées en cas d’annulation tardive, l’arrêt retient que, si l’annulation du salon MIPIM avait empêché la société P d’exécuter sa prestation de traiteur, elle n’a pas empêché la société S de remplir son obligation de verser les sommes contractuellement prévues et que, bien que l’inexécution du contrat ait été totale et d’une gravité suffisante, elle ne peut être considérée comme fautive puisqu’elle a été causée par l’annulation du salon MIPIM.
  3. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que les prestations objet du contrat n’avaient pas été exécutées, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes de la société S en résolution du contrat et restitution de sommes (…)
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;

Moyens annexés

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

La Société S FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué de l’avoir déboutée de ses demandes tendant à voir prononcer la résolution du contrat de prestations de services conclu avec la Société P le 7 janvier 2020 et, en conséquence, de l’avoir déboutée de sa demande tendant à voir condamner cette dernière à lui restituer la somme de 150.000 euros versée à titre d’acompte ;

1°) ALORS QUE la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut provoquer la résolution du contrat, même si cette inexécution n’est pas fautive et quel que soit le motif qui a empêché son cocontractant de remplir ses engagements, notamment si cet empêchement est résulté du fait d’un tiers ou de la force majeure ; qu’en décidant néanmoins que la Société S n’était pas fondée à voir prononcer la résolution du contrat conclu avec la Société P et à se voir restituer l’acompte versé, dès lors que l’inexécution par cette dernière de son obligation avait été causée par un élément extérieur, à savoir l’annulation du salon MIPIM par un tiers, bien que cette circonstance n’ait pas été de nature à faire obstacle à la résolution du contrat, la Cour d’appel a violé les articles 1217, 1227 et 1229 du Code civil ;

2°) ALORS QUE le prestataire qui s’engage à exécuter une prestation matérielle déterminée, dépourvue d’aléa, est tenu à une obligation de résultat à l’égard de son cocontractant ; que la partie envers laquelle l’obligation de résultat n’a pas été exécutée peut provoquer la résolution du contrat ; qu’en déboutant néanmoins la Société S de sa demande de résolution du contrat conclu avec la Société P et en restitution de l’acompte versé, motif pris que l’inexécution par cette dernière de son obligation n’était pas fautive, bien que la Société P ait été tenue à une obligation de résultat à l’égard de la Société S, ce dont il résultait que la résolution devait être prononcée, même en l’absence de faute de la Société P, la Cour d’appel a violé les articles 1217 et 1231-1 du Code civil.

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