Responsabilité bancaire

La responsabilité bancaire est-elle soluble dans la protection du consommateur ayant souscrit un crédit affecté ?


En matière de crédit affecté, le banquier est privé de la créance de restitution du capital emprunté lorsqu’il s’abstient de vérifier, avant de débloquer les fonds, la régularité du contrat principal ou son exécution complète. Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 mai 2019 et promis à la publication conduit à s’interroger sur le rôle du préjudice dans la mise en œuvre de cette sanction originale qui joue, pour partie, le rôle officieux d’une peine privée.

En créant, en matière de crédit à la consommation, un lien d’interdépendance entre le contrat principal et l’opération financée en vue de la réalisation d’une opération commerciale unique, la loi du 10 janvier 1978 s’était efforcée de garantir une meilleure protection du consommateur, en particulier en subordonnant la conclusion du contrat principal à celle du prêt, en retardant la naissance de l’obligation de prêt au jour de l’exécution du contrat principal1 et en étendant l’annulation du contrat de vente2 ou sa résolution3 au prêt qui se trouve anéanti de plein droit4. Étendues ensuite au crédit immobilier, ces dispositions sont désormais considérées comme l’expression ” d’un principe d’ordre public de l’interdépendance des contrats “5 auquel le consommateur ne peut renoncer par avance.

A priori favorable au consommateur, l’anéantissement du prêt est cependant susceptible de lui nuire en raison de considérations propres au droit des restitutions dans le cadre d’un crédit affecté. Il doit en effet restituer les sommes prêtées qui ont déjà été utilisées pour l’achat du bien financé, alors même que son vendeur est insolvable et ne lui a pas restitué le prix de la vente. L’équilibre des restitutions est donc rompu au détriment du consommateur qui supporte les risques de l’opération de crédit6.
La Cour de cassation en a appelé à une intervention législative, dans son Rapport annuel pour l’année 1990. Sur le modèle de l’ancien article L. 311-22 du Code de la consommation, elle a proposé d’imposer à l’établissement prêteur de solliciter le remboursement de l’emprunt exclusivement auprès du vendeur7. Mais le législateur est resté silencieux, de sorte que les tribunaux ont dû exploiter les ressources du droit commun de la responsabilité contractuelle pour prévenir les conséquences préjudiciables, pour le consommateur8, de l’anéantissement d’un crédit affecté à l’achat d’un bien9. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle approuvé les juges du fond d’avoir décidé que ” la faute commise par l’établissement prêteur l’empêchait de réclamer aux emprunteurs l’exécution de leur obligation de remboursement du prêt “10. D’abord isolés, ces arrêts de la haute juridiction ont été à l’origine, depuis quelques années, d’une jurisprudence massive11 sous l’influence du développement des incitations fiscales aux dispositifs d’économie d’énergie12. Les espèces se succèdent selon le même scénario : des particuliers sont démarchés à domicile afin d’acquérir à crédit un dispositif photovoltaïque ou éolien destiné à produire de l’électricité dont le produit de la vente devrait leur permettre de rembourser l’emprunt. Pressés d’obtenir la remise des fonds sans avoir terminé l’installation du dispositif, ni son raccordement au réseau, les fournisseurs obtiennent de leurs clients la signature d’une attestation de livraison qui détermine les banques à se dessaisir du capital emprunté. Ce n’est qu’après la mise en liquidation judiciaire des fournisseurs que les consommateurs découvrent que les panneaux photovoltaïques n’ont pas été correctement installés ou qu’ils n’offrent pas la rentabilité économique alléguée, sans pour autant que l’annulation de l’opération les rétablisse dans leur situation antérieure.
S’inspirant de son précédent arrêt du 28 janvier 1992, la Cour de cassation a ” responsabilisé “13 le prêteur en le privant ” de la possibilité de se prévaloir, à l’égard de l’emprunteur, des effets de la résolution du contrat de prêt, conséquence de celle du contrat principal “14, et plus encore de ” sa créance de restitution du capital emprunté “15, à défaut d’annulation du contrat principal, lorsqu’il manque à son obligation de vérifier la régularité du contrat principal ou son exécution complète préalablement au déblocage des fonds.
En attachant ainsi la responsabilité bancaire au service de la protection du consommateur (I), la Cour de cassation a donné naissance à une sanction hybride au croisement de deux droits, dont l’originalité réside dans sa fonction, pour partie, de peine privée (II).

I – Le droit de la responsabilité bancaire au service de la protection du consommateur

Le banquier, en tant que professionnel, est tenu de plusieurs obligations à l’égard de ses clients. Comme dispensateur de crédits, il pèse sur lui une obligation de mise en garde de l’emprunteur ou de sa caution, à la double condition que l’engagement soit inadapté aux capacités financières de l’emprunteur ou de la caution16 et que son client ne soit pas ” averti “17. Seul le banquier est tenu plus généralement, en marge du principe de non-ingérence, d’une obligation de vigilance qui inclut la surveillance, l’information et le discernement18 ; il lui appartient de déceler ” les anomalies apparentes qui sont évidentes, apparentes, c’est-à-dire celles qui ne peuvent pas échapper à un banquier normalement diligent “19. Allant bien au-delà d’une telle norme de comportement, la Cour de cassation impose au professionnel qui octroie un crédit affecté, de s’assurer de la régularité du contrat principal comme de l’exécution complète de la prestation convenue avant de libérer les fonds entre les mains du vendeur. ” Tout se passe donc comme si le prêteur se trouvait subrogé dans les droits du vendeur “20 : la malformation du contrat principal (A), comme sa mauvaise exécution (B), le privent de sa créance de remboursement sans qu’il puisse invoquer utilement le principe de non-ingérence.

A – La malformation du contrat principal

Le banquier est garant, en premier lieu, de la validité du contrat principal21. Ainsi est-il ” privé de son droit au remboursement du capital pour avoir validé un bon de commande totalement irrégulier, et ne comportant pas les mentions obligatoires prévues en cas de démarchage à domicile, ni de bon de commande régulier, de sorte que la lecture du bon de commande aurait dû dissuader le prêteur d’accorder le prêt “22. Tenu de vérifier que le vendeur s’est bien conformé non seulement aux dispositions régissant ” le démarchage à domicile “23 mais encore à celles dont dépend la validité du contrat principal24, l’établissement de crédit doit se ménager la preuve qu’il s’est bien acquitté de cette obligation en produisant l’exemplaire du bon de commande qui lui a été communiqué par les vendeurs en vue d’obtenir le déblocage des fonds, mais aussi ” l’ensemble des documents contractuels afférents au service financé “. La Cour de cassation est à ce point attachée à cette règle qu’elle en relève d’office la violation25 et tranche l’affaire au fond par une cassation sans renvoi, en application de L. 411-3 du Code de l’organisation judiciaire26. ” Les acteurs du financement sont ainsi érigés en policiers du droit de la consommation “27 et sont tenus de vérifier que les opérations financées sont conformes non seulement aux règles d’ordre public de protection du consommateur mais encore à toutes celles sanctionnées par une nullité du contrat principal.
Les banques ont tenté de recouvrer leur créance en opposant aux emprunteurs qu’ils auraient renoncé à se prévaloir de l’irrégularité du contrat principal par la poursuite de son exécution en toute connaissance du vice dont il est entaché. Si une telle argumentation est parfois admise par les cours et tribunaux, leurs décisions sont le plus souvent censurées par la Cour de cassation qui apprécie avec beaucoup de rigueur les conditions posées à l’ancien article 1338, devenu l’article 1182, du Code civil. La raison en est que la confirmation s’analyse en une renonciation à se prévaloir de la nullité. Si la confirmation peut être tacite et résulter de l’exécution volontaire de l’acte, elle exige à la fois la connaissance du vice l’affectant et l’intention de le réparer28. La Cour de cassation exerce son contrôle à cet égard et censure les juges du fond qui omettraient de vérifier que ces deux conditions cumulatives sont bien satisfaites29. La connaissance de la cause de nullité suppose non seulement celle de l’acte et de son contenu, mais encore celle du vice qui affecte le contrat30. La haute juridiction invite ainsi les juges du fond à procéder ” à une appréciation in concreto des situations afin de déterminer si une partie, selon son expertise, sa profession, etc. pouvait raisonnablement inférer d’un élément factuel la conséquence juridique qui lui était attachée et ainsi confirmer l’acte en connaissance du vice de nullité qui le guettait “31. Par une série d’arrêts récents, elle a donc censuré les juges du fond pour avoir considéré que le consommateur avait exécuté le contrat de vente des panneaux photovoltaïques ” en toute connaissance des vices affectant le bon de commande “, par cela seul que le bon de commande produit aux débats mentionnait au verso le libellé apparent et complet des dispositions de l’article L. 121-23 du Code de la consommation.
Pour la Cour de cassation, la seule exécution n’emporte donc pas renonciation à se prévaloir de la nullité d’un contrat de vente de panneaux photovoltaïques conclu à la suite d’un démarchage à domicile, en violation de l’article L. 121-23 du Code de la consommation, peu important que le libellé ait été reproduit sur le bon de commande32. À supposer réunies les deux conditions énoncées à l’ancien article 1138 du Code civil, certains observent encore que ” la confirmation ne doit pas aboutir à anéantir l’effort de protection “33. La Cour de cassation a ainsi catégoriquement récusé toute possibilité de confirmer un contrat nul ” en se fondant exclusivement sur le caractère d’ordre public de la règle méconnue sans qu’il soit fait mention du moment auquel la renonciation serait intervenue “34. Elle ne s’est pas encore prononcée sur ce point dans le domaine du crédit affecté mais elle pourrait s’inspirer d’un arrêt rendu dans un domaine voisin. La Cour a décidé que la signature de l’acte notarié de cession de parts sociales ne ” purge ” pas de ses vices la formation du contrat de jouissance d’immeubles à temps partagé, lorsque les mentions obligatoires énumérées à l’article L. 121-61 du Code de la consommation (rédaction antérieure à la loi du 2 juillet 2009) et le formalisme de l’acceptation de l’offre n’ont pas été respectés. Pour la Cour de cassation, ” est nul tout contrat de jouissance d’immeuble à temps partagé qui ne résulte pas de l’acceptation par le consommateur d’une offre de contracter conforme aux exigences légales “35

B – L’inexécution totale ou partielle du contrat principal

La faute du prêteur est également retenue lorsqu’il s’est libéré des fonds directement entre les mains du fournisseur, sans s’assurer que l’opération principale avait été correctement exécutée. Afin d’éviter que les fournisseurs n’obtiennent la remise des fonds prématurément sans avoir accompli les obligations mises à leur charge, en faisant signer à leur client une attestation de livraison, il appartient au banquier de s’assurer, lors du déblocage des fonds, de l’exécution complète de la prestation convenue au contrat principal. C’est pourquoi le manquement à cette obligation le prive de la possibilité de se prévaloir des effets de la résolution du contrat consistant dans la restitution des fonds36, ” dès lors que l’exécution de la prestation en vue de laquelle a été consenti un contrat de prêt n’a pas été assurée par la société qui en avait la charge “37. Certes, le banquier n’est pas tenu de se rendre sur place, mais sa faute est assez facilement admise. L’attestation de fin de travaux est opposable à l’emprunteur si elle permet de vérifier l’exécution complète du contrat principal38. Elle lui est en revanche inopposable si son contenu ou sa date ne permet pas de l’en convaincre39. Il appartient donc au prêteur de démontrer l’exécution du contrat principal et non à l’emprunteur d’en démontrer l’inexécution40. L’exécution complète du contrat s’entend de la fourniture du kit photovoltaïque et de son installation prévues au contrat dont les stipulations sont indivisibles, comme de son raccordement au réseau électrique41. La jurisprudence assimile l’inexécution totale ou partielle du contrat principal à un défaut de conformité42 qui emporte également la résolution du contrat principal et, de plein droit, celle du contrat de prêt. La perte du capital emprunté est susceptible de recouvrir un champ assez large depuis la transposition de la directive n° 99/44/CE43 qui inclut, dans la notion de conformité, les deux actions fondées en droit français sur l’obligation de délivrance conforme et sur la garantie des vices cachés44. Le principe général de la conformité est aujourd’hui énoncé à l’ancien article L. 211-4, devenu l’article L. 217-4, du Code de la consommation qui, dans le silence des parties, est applicable d’office par le juge45.

II – Une sanction hybride

La Cour de cassation a rappelé, par un arrêt du 22 mai 201946 dont la portée est encore incertaine, que la libération de l’emprunteur est subordonnée à l’existence d’un préjudice, conformément au droit commun de la responsabilité (A). D’autres arrêts s’écartent en revanche de ce droit commun, pour faire jouer à la perte de la créance de restitution, le rôle officieux d’une peine privée47 (B).

A – La perte du droit au remboursement du capital emprunté : l’expression du droit commun de la responsabilité

En dépit de la faute commise par le prêteur qui avait remis les fonds au vu d’une attestation constituant ” un faux grossier “, selon les constatations de l’arrêt attaqué, la Cour de cassation, par cet arrêt du 22 mai 2019, a approuvé les juges du fond d’avoir condamné les emprunteurs à rembourser le capital emprunté, en conséquence de la seule résolution du contrat de prêt dont ils avaient sollicité le prononcé. Écartant le pourvoi qui soutenait que la libération du capital emprunté n’était pas subordonnée à la justification d’un préjudice, ni à l’annulation du contrat principal, la première chambre civile de la Cour de cassation a donc décidé que la cour d’appel ” n’a pu que condamner les emprunteurs à rembourser le capital emprunté “, après avoir relevé que ” le contrat de vente a été correctement exécuté et n’est pas annulé ” et constaté que ” les emprunteurs ne contestent pas bénéficier des travaux d’isolation des combles et d’une installation en parfait état de marche “.


Si la Cour de cassation rappelle l’exigence d’un préjudice, elle ne prend pas parti sur sa consistance qui, en l’état du droit positif, ne réside pas dans l’inexécution du contrat principal, ni dans son annulation dont la libération de l’emprunteur ne dépend pas davantage48. Sans doute s’est-elle inspirée de son précédent du 28 janvier 199249 qui identifiait le préjudice de l’emprunteur à l’impossibilité d’obtenir du vendeur l’exécution complète de sa prestation, en raison de sa mise en règlement judiciaire : ” Les juges du second degré ont relevé que la faute ainsi commise par l’établissement prêteur l’empêchait de réclamer aux emprunteurs l’exécution de leur obligation de remboursement du prêt à laquelle ils n’étaient pas tenus avant l’exécution de la prestation, désormais impossible à la suite de la mise en liquidation des biens de la société [prestataire], et, qu’en conséquence, le contrat de crédit devait être considéré comme résolu aux torts de [la banque] “50. Cette explication vaut lorsqu’il est reproché au banquier d’avoir débloqué prématurément les fonds. Mais le moyen tiré de l’absence de préjudice pourrait être considéré comme inopérant lorsqu’il est reproché à la banque d’avoir omis de vérifier la régularité du contrat principal. Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation se garde de définir le préjudice positivement. Par cinq arrêts en date du 14 février 2018, elle avait précisé que le préjudice causé à l’emprunteur ” était distinct d’une perte de chance de ne pas conclure l’opération en cause “51. Elle n’en fait pas non plus état dans ses arrêts rendus après le 12 mai 2019.
D’autres solutions ne sont guère en phase avec le droit commun de la responsabilité contractuelle.

B – La perte du droit au remboursement du capital emprunté : l’expression d’une jurisprudence dérogatoire au droit commun de la responsabilité

La perte du droit au remboursement du capital emprunté est le siège d’une sanction originale qui s’écarte, à plus d’un titre, du droit commun de la responsabilité, et même de la responsabilité bancaire.


La première illustration est l’exigence d’une faute : il advient que la Cour de cassation ne subordonne pas la libération de l’emprunteur à cette condition, lorsqu’il est reproché au prêteur d’avoir débloqué prématurément les fonds sans attendre l’exécution complète du contrat principal. La Cour se fonde ainsi sur une interprétation audacieuse de l’ancien article L. 311-31, devenu L. 312-48, du Code de la consommation. Puisque les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation, celui-ci n’est tenu à aucune obligation de remboursement tant qu’il n’a pas été livré. Le prêteur, même en l’absence de faute de sa part, ne peut réclamer à l’emprunteur la restitution des sommes versées au vendeur, dès lors que ses obligations n’ont pas pris effet en l’absence de livraison, par la faute du vendeur, du bien financé52. Dans cette analyse, l’emprunteur n’est pas libéré à raison d’une faute du prêteur, mais bien parce qu’il n’a jamais été tenu à la moindre obligation de remboursement53. La première chambre civile de la Cour de cassation s’est récemment inspirée de ce raisonnement dans un arrêt inédit du 23 janvier 201954, en rappelant, au seul visa de l’ancien article L. 311-31, devenu L. 312-48, du Code de la consommation, que les obligations des emprunteurs n’avaient pu prendre effet du seul fait que les obligations indivisibles du contrat principal n’avaient pas été totalement exécutées.
Une autre solution originale réside dans l’étendue du préjudice réparable. En droit bancaire, l’objet même du devoir de mise en garde consiste, pour le banquier, à décourager le candidat emprunteur de recourir au crédit, car celui-ci présente un risque excessif d’endettement. La méconnaissance de cette obligation cause un préjudice consistant dans la perte de chance de renoncer à l’opération, et donc de ne pas emprunter55, laquelle se distingue ainsi du dommage final : même alerté sur les risques nés du crédit, l’emprunteur aurait pu tout de même décider de le souscrire. Cette perte de chance n’autorise donc pas une décharge totale de l’emprunteur56. Certaines juridictions du fond se sont inspirées de cette solution dans l’hypothèse où il était reproché au banquier de ne pas avoir vérifié la régularité formelle du contrat financé au regard des dispositions relatives aux ventes par démarchage. Selon la cour d’appel de Paris57, ce manquement aurait seulement causé une perte de chance, laquelle ne peut être réparée que par l’allocation de dommages-intérêts dont le montant ne peut être équivalent à celui des sommes prêtées. Une telle motivation a été récemment censurée par la Cour de cassation dans un arrêt de la première chambre civile du 9 janvier 2019 au visa de l’article L. 311-31, devenu L. 312-48, du Code de la consommation, et de l’article L. 311-32, devenu L. 312-55, du même code, par le motif suivant : ” Le prêteur qui verse les fonds, sans procéder, préalablement, auprès du vendeur et des emprunteurs, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de démarchage à domicile était affecté d’une cause de nullité, est privé de sa créance de restitution du capital emprunté “58. En d’autres termes, il ne saurait y avoir d’autre réparation que celle en nature compensant la perte du droit au remboursement du capital emprunté, qui n’est pas réductible à la fraction d’un préjudice.
La perte du droit au remboursement constitue, à cet égard, une sanction originale au regard du droit commun de la responsabilité, car elle revient à indemniser une victime en la déchargeant d’une dette59, sans tenir compte de l’étendue réelle du préjudice subi60. À l’instar de la perte du droit au paiement des intérêts, la privation du droit au remboursement du capital emprunté peut, en cela, être comparée à une peine privée61, et plus précisément à une déchéance62, sous la réserve de l’arrêt précité du 22 mai 2019, en tant qu’elle ” ne nécessite pas la preuve d’un préjudice subi par celui qui s’en prévaut “. Si tel était bien le cas, il faudrait alors compter avec les exigences du droit conventionnel européen63. Mais cela est une autre histoire…

Notes de bas de page

  1. Ancien article L. 311-31 devenu C. consom., art. L. 312-48.[]
  2. Cass. 1re civ., 16 déc. 1992, n° 90-18151 : Bull. civ. I, n° 316.[]
  3. Cass. 1re civ., 1er déc. 1993, n° 91-20539 : Bull. civ. I, n° 355.[]
  4. Ancien article L. 311-32 devenu C. consom., art. L. 312-5.[]
  5. Cass. 1re civ., 7 juill. 1992, n° 89-15383 : Bull. civ. I, n° 224 – Cass. 1re civ., 17 mars 1993, n° 90-11737 : Bull. civ. I, n° 116 – Cass. 1re civ., 16 avr. 2016, n° 15-12251, D.[]
  6. Pellé S., La notion d’interdépendance contractuelle, contribution à l’étude de l’ensemble des contrats, Th. Dalloz, p. 409, n° 450 ; Ouerdane C. et de Vincelles A., Altération du consentement et efficacité des sanctions contractuelles, Th. Dalloz, p. 72, n° 65 ; Ghestin J., Jamin C. et Billiau M., Les effets du contrat, 3e éd., 2001, LGDJ, n° 498, p. 560 et 561.[]
  7. Cour de cassation, Rapport pour l’année 1990, p. 21 ; Lagarde X., L’endettement des particuliers, 2e éd., 2003, Joly éditions, p. 139, n° 66.[]
  8. Huet J., Decocq G., Grimaldi C. et Lécuyer H., Les principaux contrats spéciaux, 3e éd., 2012, LGDJ, n° 22524, p. 926.[]
  9. Cass. 1re civ., 29 oct. 1990, n° 89-10012 : Bull. civ. I, n° 227 – Cass. 1re civ., 28 janv. 1992, n° 89-13515 : Bull. civ. I, n° 34 – Cass. 1re civ., 16 janv. 1996, n° 93-17444, D.[]
  10. Cass. 1re civ., 28 janv. 1992, n° 89-13515.[]
  11. Frison-Roche M.-A. et Bories S., ” La jurisprudence massive “, D. 1993, p. 287.[]
  12. Roussille M., ” Crédit affecté : florilège autour du contentieux du photovoltaïque “, Gaz. Pal. 23 oct. 2018, n° 333q6, p. 59 ; Legeais D., ” Crédit finançant des achats photovoltaïques “, RTD com. 2019, p. 195 ; Legeais D., ” Financement du photovoltaïque “, RTD com. 2018, p. 1001 ; Legeais D., ” Financement des panneaux photovoltaïques “, RTD com. 2018, p. 439 ; Legeais D., ” Le prêt affecté à l’épreuve des financements photovoltaïques et éoliens “, RTD com. 2014, p. 377.[]
  13. De Ravel d’Esclapon M., ” La responsabilisation du prêteur lors de la remise des fonds en matière de crédit affecté “, LPA 28 juill. 2017, n° 122f5, p. 23.[]
  14. Cass. 1re civ., 16 janv. 2013, n° 12-13022 : Bull. civ. I, n° 6 – Cass. 1re civ., 13 nov. 2014, n° 13-26313, D – Cass. 1re civ., 8 juill. 1994, n° 92-19586, D.[]
  15. Cass. 1re civ., 27 mars 2019, n° 17-26971, D.[]
  16. Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, n° 05-21104 : Bull. civ. ch. mixte, n° 7 – contra Cass. com., 15 nov. 2017, n° 16-16790 : Bull. civ. IV, n° 149.[]
  17. Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-20216 : Bull. civ. IV, n° 42 – Cass. com., 13 sept. 2017, n° 15-20294 : Bull. civ. IV, n° 108.[]
  18. Bonneau T., Droit bancaire, 12e éd., nos 576 et 577, p. 439.[]
  19. Bonneau T., Droit bancaire, 12e éd., n° 577, p. 440 – Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-24598, D.[]
  20. Lagarde X., L’endettement des particuliers, 2e éd., 2003, Joly éditions, n° 67, p. 140.[]
  21. Cass. 1re civ., 19 juin 2019, n° 18-18126, D.[]
  22. Cass. 1re civ., 8 févr. 2017, n° 15-27277, D.[]
  23. Cass. 1re civ., 9 mai 2019, nos 18-14996, 18-14991 et 18-14998 (trois espèces), D ; Cass. 1re civ., 10 déc. 2014, n° 13-26585, D ; Cass. 1re civ., 29 juin 2016, n° 14-25853, D ; Cass. 1re civ., 8 févr. 2017, n° 15-27277, D.[]
  24. Cass. 1re civ., 19 juin 2019, n° 18-18126, D.[]
  25. Cass. 1re civ., 10 avr. 2019, n° 18-10183, D.[]
  26. Cass. 1re civ., 19 juin 2019, n° 18-18126, D.[]
  27. Roussille M., note sous Cass. 1re civ., 5 avr. 2018, n° 17-13528, D : Gaz. Pal. 12 juin 2018, n° 324j0, p. 59.[]
  28. Ghestin J., Loiseau G. et Serinet Y.-M., La formation du contrat : l’objet et la cause, les nullités, t. 2, 4e éd., 2013, LGDJ, n° 2426, p. 1102 ; Bénabent A., Droit des obligations, 16e éd., 2017, LGDJ, n° 222, p. 192 et 193.[]
  29. 30 Cass. com., 29 mars 1994, n° 92-11843 : Bull. civ. IV, n° 134 – Cass. 1re civ., 1er oct. 1996, n° 94-19345, D : RTD civ. 1997, p. 117, obs. Mestre J. – Cass. com., 2 juin 2004, n° 03-10741 : Bull. civ. IV, n° 107 ; RTD civ. 2004, p. 505, obs. Mestre J. et Fages B. – Cass. 3e civ., 2 juill. 2008, n° 07-15509 : Bull. civ. III, n° 120 – Cass. 3e civ., 29 sept. 2016, n° 15-15129 : Bull. civ. III, n° 123.[]
  30. Cass. com., 29 mars 1994, n° 92-11843 : Bull. civ. IV, n° 134 – Cass. 3e civ., 2 juill. 2008, n° 07-15509 : Bull. civ. III, n° 120 – Cass. 3e civ., 20 nov. 2013, n° 12-27041 : Bull. civ. III, n° 149 – Cass. 3e civ., 29 sept. 2016, nos 15-15129, 15-17434 et 15-26360 : Bull. civ. III, n° 123.[]
  31. Barbier H., ” L’éviction de l’adage “nul n’est censé ignorer la loi” dans l’appréciation de la connaissance du vice requise pour confirmer un acte nul “, RTD civ. 2016, p. 846, obs. sous Cass. 3e civ., 29 sept. 2016, nos 15-15129, 15-17434 et 15-26360 : Bull. civ. n° 123.[]
  32. Cass. 1re civ., 9 janv. 2019, n° 17-24075, D ; Cass. 1re civ., 9 mai 2019, n° 18-11751, D.[]
  33. Flour J., Aubert N.-L. et Savaux E., Les obligations, t. 1, ” L’acte juridique “, 15e éd., 2012, Sirey, n° 346.[]
  34. Ghestin J., Loiseau G. et Serinet Y.-M., La formation du contrat : l’objet et la cause, les nullités, t. 2, 4e éd., 2013, LGDJ, n° 2460, p. 1140 et la jurisprudence citée.[]
  35. Cass. 3e civ., 26 janv. 2011, n° 09-71836 : Bull. civ. III, n° 14.[]
  36. ” Commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir, à l’égard de l’emprunteur, des effets de la résolution du contrat de prêt, conséquence de celle du contrat principal, le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s’assurer que celui-ci a exécuté son obligation ” (Cass. 1re civ., 16 janv. 2013, n° 12-13022 : Bull. civ. I, n° 6).[]
  37. Cass. 1re civ., 28 janv. 1992, n° 89-13515 : Bull. civ. I, n° 34.[]
  38. Cass. 1re civ., 19 déc. 2013, n° 12-24503, D ; Cass. 1re civ., 26 nov. 2014, n° 13-10626, D ; Cass. 1re civ., 12 oct. 2016, n° 15-22383, D ; Cass. 1re civ., 26 avr. 2017, n° 15-28443, D.[]
  39. Cass. 1re civ., 19 févr. 2014, n° 12-26100, D ; Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-16346, D ; Cass. 1re civ., 10 déc. 2014, n° 13-22674, D ; Cass. 1re civ., 10 sept. 2015, n° 14-13658 : Bull. civ. I, n° 200 – Cass. 1re civ., 1er juin 2016, n° 15-18043, D ; Cass. 1re civ., 11 janv. 2017, n° 15-24839, D ; Cass. 1re civ., 11 mai 2017, n° 16-15483, D ; Cass. com., 6 juin 2018, n° 17-10399, D ; Cass. 1re civ., 9 janv. 2019, n° 17-22372, D.[]
  40. Cass. 1re civ., 1er juill. 2015, n° 14-22597, D.[]
  41. Cass. 1re civ., 23 janv. 2019, n° 17-21055, D.[]
  42. Cass. 1re civ., 7 févr. 1995, n° 92-17894 : Bull. civ. I, n° 70.[]
  43. Dir. n° 99/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.[]
  44. Sauphanor-Brouillaud N. et a., Les contrats de consommation – Règles communes, 2e éd., 2018, LGDJ, n° 1002, p. 968.[]
  45. Cass. 1re civ., 19 févr. 2014, n° 12-23519, D ; sur l’application d’office du droit de l’Union : Cass. ch. mixte, 7 juill. 2017, n° 15-25651 : Bull. civ. ch. mixte, n° 2.[]
  46. Cass. 1re civ., 22 mai 2019, n° 18-16150, PB.[]
  47. Carval S., La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, t. 250, Th. LGDJ, 1995, n° 117, p. 124.[]
  48. Cass. 1re civ., 19 févr. 2014, n° 12-26100, D.[]
  49. Cass. 1re civ., 28 janv. 1992, n° 89-13515 : Bull. civ. I, n° 34.[]
  50. Cass. 1re civ., 28 janv. 1992, n° 89-13515 : Bull. civ. I, n° 34.[]
  51. Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, nos 16-29119, 16-29118, 16-29110, 16-29121 et 16-29122 (cinq espèces), D.[]
  52. Cass. 1re civ., 7 févr. 1995, n° 92-17894 : Bull. civ. I, n° 70.[]
  53. Lagarde X., L’endettement des particuliers, 2e éd., 2003, Joly éditions, p. 140, n° 66.[]
  54. Cass. 1re civ., 23 janv. 2019, n° 17-21055, D.[]
  55. Pellet S., ” Des affres du devoir de mise en garde du banquier “, RDC 2019, n° 115z1, p. 21.[]
  56. Cass. 1re civ., 5 mars 2015, n° 14-11205, D ; Cass. com., 15 févr. 2011, nos 09-16779 et 10-11614, D ; Cass. com., 8 juin 2010, n° 09-15001, D ; Cass. com., 20 oct. 2009, n° 08-20274 : Bull. civ. IV, n° 127.[]
  57. CA Paris, 6 juill. 2017, n° 15/08659.[]
  58. Cass. 1re civ., 9 janv. 2019, n° 17-27215, D : RTD com. 2019, p. 195, obs. Legeais D.[]
  59. Eréséo N., ” Les nouveaux contentieux : le cas du crédit affecté “, LPA 31 mai 2019, n° 141h5, p. 12.[]
  60. Cayol A., Dalloz actualité 13 juin 2019, p. 13.[]
  61. Sur cette comparaison, v. Lagarde X., L’endettement des particuliers, 2e éd., 2003, Joly éditions, p. 67, n° 38.[]
  62. Luxembourg F., La déchéance des droits – Contribution à l’étude des sanctions civiles, préf. Ghozi A., 2008, éd. Panthéon-Assas Paris II, Thèses, p. 348, n° 922.[]
  63. Lagarde X., ibid. ; Carval S., op. cit., p. 215 et s.[]

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